Votre prochain projet artistique justement, c'est quoi ?
Cinq ans de travail minimum pour une œuvre qui s'appelle « En attendant la mort ». Une œuvre d'art globale, en collaboration avec des scientifiques, des chercheurs, des universités, qui considère tout le monde, le monde entier, et en même temps chaque être humain. Ce sera la première fois où il y aura une œuvre universelle qui intègrera les 250.000 naissances par jour, et aussi les morts. Ce sera une immense alcôve dans laquelle seront gravés les noms de l'humanité toute entière, il nous faudra capter 3.500.000 noms par jour pendant 5 ans, et l'aide des réseaux virtuels, sur lesquels chacun sera invité à s'inscrire. Il y aura beaucoup d'électronique, des noms qui s'allument, les naissances, d'autres qui s'éteignent, les morts. L'œuvre, ce sera comme une cathédrale, et un travail en collaboration avec beaucoup de gens. Mais pour cela, il faut des moyens. Je suis en cours de discussion avec des gens intéressés par le projet.
Est-ce que vous pensez que les œuvres font encore réfléchir les gens ? Comment définiriez-vous une œuvre d'art aujourd'hui ?
Oui. Bien sûr et heureusement ! Il y a beaucoup de gens qui pensent avoir une œuvre d'art chez eux parce qu'ils l'ont achetée dans une galerie. Ma définition d'une œuvre d'art, c'est lorsque chaque personne qui va rentrer dans la pièce où est l'œuvre, installation, peinture, vidéo, sculpture, va s'y intéresser, réagir, même le mec qui vient relever le compteur EDF ! Une œuvre d'art, c'est entendre une conversation, il se passe quelque chose. L'œuvre d'art, dans la maison, elle prend le leadership sur son propriétaire, au point que les gens ne parlent plus que de ça, et que parfois le propriétaire finit par en avoir marre qu'on ne lui parle plus que de l'œuvre et la revend. Une œuvre d'art, cela n'a rien à voir avec le prix qu'on l'a payée, ou le lieu où on l'a achetée. Si les gens vaquent devant elle sans réagir, ce n'est pas une œuvre d'art. Une œuvre d'art, c'est par exemple l'un des miroirs d'un mètre soixante sur quatre-vingt centimètres de la série que j'ai faite il y a quelques années, sur lequel j'avais fait graver par un artisan « l'inachevé » qui signifiait « allez-y, mirez-vous, mais nous sommes tous des inachevés ». Ou des phrases comme « C'est dans les grandes catastrophes du futur que vous comprendrez votre médiocrité » ou encore « Un jour naîtra la race des derniers nés, issus des derniers spermatozoïdes et ovules féconds, ils ne pourront plus enfanter ». Bon, ça, les gens ils n'aiment pas, pas vraiment. Mais, ça les fait réagir, ça les bouscule, les énerve, ils ne peuvent pas rester indifférents.
Vous êtes très pessimiste sur le monde qui nous entoure.
Je trouve que nous sommes arrivés à une époque où on valorise les imbéciles, et les médiocres. Ceux qui ne savent pas s'expriment sur tous les sujets, alors que ceux qui savent sont interdits de parole, de plateaux télé par exemple. Le temps passe vite, je vais avoir 48 ans, et je n'ai rien vu passer. J'ai envie que les gens développent leur libre-arbitre, leur conscience. J'aimerais pouvoir un tant soit peu y contribuer en ayant la possibilité de continuer à créer.
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