Tandis que son œuvre « Mafiart » vient d'être présentée dans le cadre de la foire internationale d'art contemporain Art Basel à Miami, nous voici attablés dans un bistrot de Montmartre avec l'artiste Klaus Guingand, connu dans le monde entier pour sa série « Ombres » (les portraits immortalisant la silhouette de plus de 220 personnalités internationales, qui s'est prolongé à partir de 2005 par la série « Shadow Follows the substance » de 22 grands artistes contemporains internationaux), pour parler sans langue de bois de cette « maladie » selon sa propre terminologie, qui le ronge depuis des décennies : la création, l'art.
Femmezine : Quel est le sens de Mafiart, un concept inventé par vous dès 1993, et une œuvre éponyme présentée dernièrement à Miami ?
Klaus Guingand : C'est ma façon à moi de dire ce que je pense de tout ce qui entoure l'art. Pas de l'art lui-même, mais de ce qui l'entoure. Malheureusement, je ne pense pas que grand-monde ait compris le message que j'ai voulu faire passer. A savoir que selon moi, le monde de l'art est devenu une mafia, dont certains de ses membres détestent les vrais artistes.
Qui devrait s'occuper de l'art contemporain alors ?
Personne ! On n'a pas besoin de ces perfusions que sont les subventions. Ou alors on couvre d'or tout le monde, tous les artistes, qui se retrouvent à égalité, et là on verra bien qui sort du lot. La grande majorité des artistes contemporains aujourd'hui est issue des milieux bourgeois. Se sont des gens qui n'ont rien vécu, ils ne savent pas ce que c'est que d'avoir froid, d'avoir faim, le manque, les privations, ce que vivent la grande majorité de leurs contemporains. Certain artistes américains ont fait Yale. Aux Etats-Unis, c'est « l'élite » des familles américaines qui fait ses études universitaires à Yale, pas le fils du charcutier. L'art aux Etats-Unis est principalement fun. C'est un art qui ne dérange pas, sans danger, contrôlé. L'œuvre Mafiart, aux Etats-Unis, ils ne l'ont pas comprise.
Le monde de l'art est une mafia pour vous ?
Oui. Par exemple, le phénomène Damien Hirst. C'est une imposture montée de toutes pièces. Faire croire que l'on a vendu son œuvre « For Love of God » 74 millions d'euros dès août 2007, ou qu'il faut attendre un an pour acheter une de ses œuvres est un mensonge ! Il y a eu un très bon documentaire sur Arte récemment, une enquête d'investigation qui a démontré tout ça, le journaliste ayant notamment réussi à se faire remettre un carnet dans une galerie londonienne avec une centaine d'œuvres d'Hirst à vendre ! Il ne se vend pas. Les artistes et leurs galeristes s'achètent eux-mêmes les œuvres pour faire grimper la côté... Ou s'arrangent avec les collectionneurs pour faire passer certaines de leurs œuvres en salle de vente, les font achetées par téléphone par un de leurs amis qui fait monter la côte : de 400.000 euros, l'œuvre passe à 600 ou 800.000. Galeriste, artiste, collectionneur, cette Mafiart y trouve son compte. Sauf l'art, car c'est de la supercherie qui ne repose sur rien. Se sont des techniques empruntées au business, à la spéculation, au marketing, à la filouterie, et que l'on applique au monde de l'art. Cette Mafiart choisit des artistes sans danger qu'elle met en avant artificiellement. Mais les artistes connus aujourd'hui ne seront pas ceux que l'histoire retiendra. Quand j'avais 25 ans, je pensais que le monde entier était gangréné sauf le monde de l'art. J'en suis bien revenu.
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