Le pitch officiel : le héros (de cette histoire d'amour) c'est vous !
"Le problème d'une rencontre entre célibataires est qu'il y en a un des deux qui cherche l'amour et place ses espoirs en un second qui n'est certainement pas célibataire sans raison". Dès la première phrase de ce roman indispensable, le décor est planté : la qualité dominante de l'amour est le sombre. Au delà du rose bonbon, il y a le noir. Le thème est classique, une histoire d'amour qui tourne mal. Ou plutôt, les histoires d'amour possibles, refoulées, fuies, avortées, d'un jeune étudiant en cinéma banlieusard monté à Paris. L'idée géniale ici, c'est qu'à l'image des romans pour adolescent à multiples choix, vous aurez la liberté de décider des chemins empruntés par le narrateur. Par le biais d'une langue aussi limpide que feutrée, aérienne et poétique, à laquelle Jérôme Attal nous a habitués, habilement encouragés et conseillés par ce dernier, nous voici donc dans la peau d'un jeune garçon de son temps découvrant à quel point il n'y a pas de lumière sans nuit, de clarté sans ombre, de révélations sans mystère. A quel point le spectacle de l'amour engendre toujours une stupeur immobile empêchant toute fuite, tout escapisme. Voilà pour le pitch officiel.
Le pitch officieux : le héros (de celle-ci ou de n'importe quelle autre histoire d'amour) ça n'a jamais été et ne sera jamais vous (pas plus que quiconque) !
"- Ca vous dirait d'aller au Macchabi?(...) Le macchabi répête-t-elle avec autorité. Qu'est-ce que vous en dites?
Vous dites oui sans réfléchir - et surtout parce que vous imaginez ce Macchabi se profiler dans une enfilade de baisers - oui dans l'inspiration du moment, dans ce cas allez au 110.
Vous ignorez ce qu'est le Macchabi et souhaitez demander des précisions à ce sujet, allez au 123. ", in "Pagaille Monstre", p.36 - 37.
Mais, dans ce cinquième roman, Jérôme Attal nous propose en off, dans le hors-champs, une toute autre aventure. Car ne nous y trompons pas, sous les atours d'une mise en forme aussi inédite que ludique, le propos de l'auteur est bien ici de démontrer à quel point il y a des situations dans la vie qui, sous les oripeaux d'une souriante et benoîte liberté, annulent toute possibilité de choix justement. Lorsque l'on tombe amoureux, par exemple. Le vertige du point de vue impossible sur l'amour, cette insaisissable représentation-captation de l'être aimé, sont les véritables enjeux de ce roman exhibant par là-même, en même temps qu'ils la cristallisent, cette impossibilité radicale de choisir parfois, d'échapper à ce que l'on est en même temps qu'à certains êtres.
Pourquoi ?
Car, au commencement, par sa lumière, la femme désirée - Ariane en l'occurence ici, ou Clémence (l'ex sur le retour) au choix ou pas vraiment... - d'abord éclaire. Dessine les contours d'un amour possible. Mais, à son zenith, elle éblouit le regard, aveugle, annihile toute volonté, provoquant chez le narrateur et le lecteur à sa suite la pétrification. Et avec elle les sombres vertiges de l'attente, de l'anxiété, de la mélancolie. Quand par sa lumière elle efface toute ombre, la femme aimée interdit de voir, annule le regard, la vision, la visée. Et cette part là de l'histoire est incontournable! Dans le livre comme dans la vie.
- Répondre
Permalien