La galerie, la galeriste.
Tour d'abord, parce que Jacqueline Rabouan la propriétaire des lieux, une petite galerie nichée dans le 3e arrondissement, est une femme passionnée d'art, qui, rentrant tout juste d'Art Basel, la cultisme foire d'art contemporain de Miami et donc en plein « Jet Lag », n'a pourtant pas hésité à nous faire la visite herself de cette exposition afin de nous expliquer avec une extrême gentillesse et beaucoup de passion son coup de cœur pour Dimitri Tsykalov, l'artiste russe exposé actuellement en ses murs : « J'aime la Russie, j'aime les artistes russes, ils ont une façon de montrer les choses très frontale, sans détourner le regard. Et en même temps, c'est fait avec humour, et toujours une pointe de mélancolie douce.... ». Voilà pour planter le décor.
L'oeuvre, l'artiste.
Né en 1963 à Moscou, Dimitri Tsykalov vit et travaille à Paris depuis 1991. Dès 2005, il s'attèle à une œuvre intitulée « Money », tristement prémonitoire de l'effondrement de l'économie mondiale et du krach boursier international quelques années plus tard. En 2005, personne ne pressent encore le drame qui se trame, les Kirviel, Madoff, et autres traders en tout genre tissant consciencieusement et joyeusement leur toile en cinémascope, couleur et stéréo. Tandis que les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l'Inde, l'Europe et la France se passionnent pour ces nouvelles stars que sont le CAC 40 et le Dow Jones, applaudissent à tour de bras, s'extasient de sommet en sommet.... pendant ce temps, maille après maille, des Pénéloppes banlieusardes russes tricotent de leurs petites mains des cartes bleue, black, gold, platinum géantes provenant de diverses banques et de tous les pays.
Dessinées et rebrodées par l'artiste, Dimitri Tsykalov, tricotées par de patientes tapissières moscovites, varsoviennes ou budapestoises, ces petits bout de plastique colorés initialement aussi dérisoires que despotiques, se retrouvent ici, tissés de grosse laine, enfilés sur d'énormes aiguilles, hissés au rang d'icône ménagère un peu old school, un peu ridicule, un peu fragile. Inachevés surtout : un fil pendouille, sur lequel on tire, et hop.... c'est l'économie mondiale qui se défile, se détricote, se volatilise.... 14 cartes de crédit venant du monde entier suspendues dans le vide, associées à une aérienne et cristalline cash machine en dentelle ajourée, sorte de cathédrale-confessionnal tout en grâce et légèreté.
L'art est une catharsis. A voir donc, et à s'émouvoir avec une pointe d'humour et de mélancolie malgré tout, malgré la taille des bonus des traders en 2009 qui ont battu tous les records, malgré aussi et surtout les wagons de victimes de la crise abandonnées sur les aires d'autoroute des grandes banques et salles de marché mondiales.
Money, de Dimitri Tsykalov, Galerie Rabouan Moussion, 121 rue Vieille du Temple, 75003, Paris.
Du 14 novembre 2009 au 31 janvier 2010.
Le site de la galerie : www.galerie-rabouan-moussion.com
- Répondre
Permalien