Pour vous dire que le plus culte, et néanmoins controversé, des groupes rock français entame cet automne sa tournée de concerts après avoir sorti au printemps dernier son onzième album, La république des météors, tournée qui se terminera en apothéose au Stade de France le 26 juin 2010.
Pourquoi s'intéresser à Indochine ?
Parce qu'il est le seul groupe français de formation underground ayant réussi le challenge de déchainer autant de passion depuis trente ans qu'il existe! Parce que le succès n'a pas toujours suivi (notamment durant la taversée du désert des années 90). Parce qu'après être passé par la pop-rockabilly (L'aventurier), la new-wave (Le péril jaune), le rock synthétique (7000 danses), le rock traditionnel (Un jour dans notre vie), la pop psychédélique (Wax), le rock gothique (Dancetaria), et par une période rock industriel (Paradize), le chanteur Nicola Sirkis, et derrière lui son groupe, peut se targuer de n'avoir jamais manqué de public, d'avoir aligné les disques d'or comme les tournées, affichant, aujourd'hui encore, complet partout quoi qu'il advienne! Que l'on aime ou non, Indochine est incontournable comme phénomène musical!
Nous on aime parce que...
La république des météors est un opus surprenant, exigeant. Hors norme, qui a ravi les addicts du groupe et lui en a octroyé de nouveaux, une 3e génération de fans se pressant désormais dans les concerts! Même s'il a toujours l'air d'un ado, le chanteur a la cinquantaine cette année, mais si! Finit le temps où les textes étaient inégaux, parfois baclés. Ici, Nicola Sirkis a mis tout son savoir faire pour renouer avec la qualité de ses meilleurs écrits, mélange inédit de double sens évasif et de poésie. Les inconditionnels du groupe parlent du " retour de la qualité, à l'image de Wax, Un jour dans notre vie et Dancetaria ". Alors....
La guerre (Union War, Le grand soir), les conflits mondiaux, l'alliance de deux ennemis, l'éloignement d'un couple dont la jeunesse est morte avec la guerre (Bye bye Valentine, Les aubes sont mortes...), l'oubli, la mémoire, le souvenir.... " je revois et nos nuits et nos joies, je revois notre vie, notre toit, comment fais-tu pour t'endormir sans moi? " (Un ange à ma table), ou le témoignage poignant d'un père absent à son fils, voué à grandir malgré tout, dans Lettre de métal, autant de thématiques tricotées avec délicatesse et mélancolie telles une dentelle fine. Titre évocateur, champ lexical précis, métaphores égrainées avec pudeur, éclairant - quoique d'aucuns en prétendent - encore et toujours bien qu'avec parcimonie, subtilité, une utopie certaine! Voire une certaine utopie... Quoi d'étonnant en même temps? On connaît le penchant de Nicola, le leader, pour la littérature. Né d'un père russe, il a choisi le nom asiatique du groupe par référence à Marguerite Duras. Dans tes bras, le roman de Camille Laurens, prix Fémina 2000, l'a du reste inspiré : "J'ai aimé sa façon de prendre un point de vue masculin. Je lui ai demandé un texte, que nous avons retravaillé ensemble, parce qu'il était trop féminin pour moi."
En parlant de pendant féminin justement, Suzanne de Pravda et Gwen de Madinkà sont les voix féminines associées au chant parfois guerrier de cette pluie de météors appelant au rassemblement des troupes. L'espoir est là. Malgré tout. Malgré le fait que " la guerre n'est jamais finie ", que les hommes se doivent de redoubler de solidarité (et d'humanité). Métaphore de ces années difficiles traversées par le groupe lui même? Presque l'oubli dans les années 90.... puis, par le travail, l'acharnement, le dépassement des drâmes personnels (les départs de Dimitri, le bassiste; de Dominik Nicola, compositeur de tant de succès du groupe à ses débuts; puis, la mort prématurée de Stéphane, frère jumeau de Nicola, cofondateur du groupe, à 39 ans, en 1999, d'une hépatite foudroyante), vint le retour en grâce. "La passion est un élixir de jouvence. Bowie, à soixante ans, reste un adolescent. Je suis flatté qu'à mon âge, des jeunes trouvent dans ce que je dis des choses qu'ils veulent entendre ", de souligner le chanteur.
En marge des grands succès publics que furent 3e sexe, L'aventurier, Bob Morane, ou encore plus récemment J'ai demandé à la lune (un million de singles vendus), dont la notoriété fulgurente a un peu écrasée le reste selon les intéressés, et ne reflétait pas la gamme chromatique, non plus la virtuosité, du groupe, La république des météors convoque elle tout leur savoir faire et réconcilie les différentes époques et influences : de la new wave et des clins d'œil asiatiques du début des années 80 (Je t'aime tant, Little Dolls, Republika), à l'énergie juvénile de Wax (Play boy, Junior song), en passant par la noirceur de Dancetaria (Le lac, Un ange à ma table, Bye bye Valentine), et le chant du signe rock industriel de Paradize (Go, Rimbaud go !). Ukulélé, piano, cordes, accordéon... accompagnent cette fourmilière de " tubes ", au sens noble du terme, engagés.
« Hier, j'étais devenu quelqu'un de bien, aujourd'hui je suis un raté un moins que rien, je suis devenu quelqu'un d'un peu moyen, je suis devenu aujourd'hui trop sentimental pourtant hier j'étais quelqu'un de très brillant, j'arrivais en travaillant et en souriant, je vivais sans doute dans un état de grâce...» dans Mexicane syndicate aux accents irlandais, évoque un problème social plus que jamais d'actualité: plan social, système pourri, mais « il y aura un futur pour notre passé ...»! Merci Nicolas de, ne serait-ce que, prononcer ce mot futur banni de la bouche de tant de nos contemporains, trop effrayés pour le convoquer, lever le nez du guidon, y croire encore, se battre pour les générations à venir.... Face à « ces armées impatientes », il n'est pas trop tard, non! A votre suite, comme dans Je t'aime Tant, « avec nos sangs, gravons sur nos bras à la vie à la mort », et à la suite de René Char que j'ai envie, ici, maintenant, d'inviter à notre table, souhaitons qu'«à tous les repas pris en commun, nous invitons la liberté à s'assoire. La place demeure vide mais le couvert reste mis ». A bon entendeur salut!
Album : " La république des météors ", 2009.
Tournée : concerts (beaucoup sont déjà complets...) dans toute la France du 6 octobre 2009, à Rouen, jusqu'au 26 juin 2010, au Stade de France.
Où se le procurer ? www.fnac.com
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