Femmezine : On ne vient jamais à bout de quelqu'un. Même après des années de vie commune, il y a toujours une opacité qui nous échappe.
Marc Lévy : Bien entendu. Mais dans ce livre-ci, il s'agissait d'écrire un roman d'aventure. J'avais été très clair sur cette intention là. La part obscure de ce roman n'est pas dans l'obscurité des êtres, des deux personnages principaux, de leur relation amoureuse, tout ça je l'avais exploré dans mon livre précédent. Il ne faut pas rajouter des couches pour le plaisir d'intellectualiser les choses. Ce qui m'a intéressé dans ce livre-ci, c'est précisément le rapport que l'on a à notre origine, à notre place dans l'univers. J'ai écrit ce roman parce que je suis athée et que j'ai eu envie de me demander : "est-ce qu'un monde sans Dieu peut exister?". Moi je ne crois pas en Dieu, mais je ne crois pas en un monde qui tiendrait sans l'idée de Dieu, aujourd'hui, au XXIe siècle. Sans la foi. C'est très paradoxal pour l'athée que je suis.
Femmezine : C'est d'autant plus paradoxal qu'affirmer l'idée d'un Dieu, cela revient souvent à ajouter une opacité, une complexité, là ou au contraire, l'on souhaiterait un éclaircissement, une simplification et une explication à l'existence. Quels sont vos goûts à vous en matière de lecture?
Marc Lévy : Complètement ecclectiques. J'ai tellement entendu de gens me dire par exemple : "L'art moderne, ce n'est pas de l'art". Pour moi, ça ne veut rien dire. Quand je vais à la Fiac, je n'y vais pas en me disant cela. Je regarde chaque oeuvre en me demandant : "est-ce que ça me touche ou pas?". En terme de littérature, c'est pareil. De Cormack Mac Carthy, à Colum Mac Cann, en passant par Alexandre Jardin. Je n'ai aucun à priori d'auteur. Il n'y pas de délit de gueule, de couverture, d'auteur. Je n'ai pas aimé "99 francs" de Beigbeder, mais j'ai beaucoup aimé "L'amour dure trois ans". Un livre peut me toucher sans que je sache qui l'a écrit. Les derniers livres majeurs que j'ai lu et trouvé merveilleux furent "La route" de Mac Carty et le dernier Yasmina Khadra.
Femmezine : Vous habitez New-York. Est-ce que c'est un exil, une envie d'anonymat, une manière de l'aimer de loin, la France?
Marc Lévy : Il y a 3 millions de français qui vivent à l'étranger. Moi, j'ai toujours aimé ça. J'ai vécu à Londres plusieurs années. A un moment, j'étais trop chez moi là-bas. Alors, j'ai déménagé. J'aime les différences, j'aime aller à la compréhension de l'autre, et bousculer mes repères pour essayer de me faire comprendre. Je n'aime pas les identités qui sont complètement fondues dans un environnement. J'aime l'idée d'être à l'étranger, sans repères, de faire peau neuve à chaque fois. Le regard des autres est vierge de tout. On ne peut être que soi. J'aurais pu m'amuser dans ma vie à déménager dix fois en province. Mais, ce fut à l'étranger. J'aime l'idée que mon fils soit chez lui déjà à son âge, dans trois endroits du monde différents. Je veux que mon gamin soit un enfant du monde. Je ne suis pas parti par rejet de la France en tout cas, car j'adore mon pays. Je suis parti par appétit, par envie. Ma famille me demande si je reviendrai un jour. Oui. Mais pas à Paris. Je ne juge pas la ville, mais j'ai du mal avec Paris, c'est relié à mon enfance. J'étais un gamin de la province, on m'a arraché à ma vie provinciale pour m'emmener à Paris. Je ne me sens pas à l'aise dans cette ville. Mais il y a plein de coins en France où j'aimerais vivre, c'est certain.
"La première nuit", suite de "Le premier jour", Robert Laffont, 485 pages, 21 euros.
Disponible sur Fnac.com
Site officiel de Marc Levy : www.marclevy.info
- Répondre
Permalien