Portrait de Pacôme Thiellement autour de son dernier ouvrage révélant la face cachée de l'un des groupes de musique des années 70 les plus mythiques.
Femmezine : Qui êtes-vous, quel est votre parcours ?
Pacôme Thiellement : J'ai commencé dans la bande dessinée, à 13 ans, avec un fanzine qui s'appelait Réciproquement, en collaboration avec une grande majorité des gens qui plus tard ont crée la maison d'édition L'association. Après la BD, je me suis intéressé à la pop-musique, puis au cinéma, et enfin à la littérature.
Pourquoi avoir laissé tomber la BD, votre première passion ?
Je m'intéressais surtout à la bande dessinée expérimentale. Mes héros étaient Jean-Claude Forest (l'auteur de « Barbarella »), Gébé (« L'An 01 ») et Got (« Le Baron Noir »). J'ai rapidement abandonné le dessin, parce que je ne me retrouvais pas dans ce mode d'expression. Je ne savais pas encore quel serait mon instrument, j'ai cherché longtemps, et finalement j'ai trouvé l'écriture. Néanmoins, j'ai toujours besoin d'alterner la vidéo et l'écriture. C'est ce qui me convient le mieux. Parce que l'écriture, c'est un métier très solitaire. Là, tel que vous me voyez, je sors de l'écriture de « La Main gauche de David Lynch », un petit essai sur « Twin Peaks » pour la collection « Travaux Pratiques », aux P.U.F.. Cela veut dire, en gros, trois à quatre mois à temps complet, cloîtré toute la journée à la maison seul à écrire, avec mon chat qui miaule à mes côtés pour que je lui donne à manger et lui nettoie son sable, et encore plusieurs mois ensuite à relire, réécrire et relire encore... Refuser les sorties, être un mauvais ami... Voilà ce que cela recouvre comme réalité psychique, l'écriture. Avec la vidéo, j'ai la possibilité d'être dans l'échange, la joie, la vie. D'autant plus que je co-réalise toutes mes vidéos avec mon ami Thomas Bertay, fondateur de Sycomore Films. Sans Thomas et Sycomore, je serais gris comme un manuscrit moisi. L'équilibre entre les deux est très important pour que je reste un être humain à peu près décent.
Comment s'est effectué le passage de la BD à l'écriture d'essais sur la pop-musique ?
A 22 ans, avec un groupe d'amis, j'ai créé une revue, « Spectre », une revue d'art et de littérature accès sur des thématiques complotistes et manipulatoires, qui a duré 4 ans. A l'issue de ça, j'ai écrit, pour les éditions MF, un premier essai : « Poppermost-considérations sur la mort de Paul McCartney ». C'est un livre dont le point de départ était le mythe de la mort de McCartney, sur lequel est venue rebondir celle (réelle) de Sharon Tate puis celle (tout aussi réelle) de John Lennon, tous deux assassinés pour des questions d'interprétation de paroles de chansons des Beatles. Oui, dans la pop comme dans la mystique, un verset mal interprété peut tuer ! Dans ce premier livre, j'ai tracé un parcours généalogique des malentendus entre la dimension poétique de la pop musique et la manière dont les fans l'interprétaient à travers des catégories mythiques, en questionnant la relation pop-musique/monde moderne. Les Beatles étaient au centre de cet essai, car, pour moi, en terme d'impact poétique, ils sont aussi importants que Rimbaud. Ce qu'ils apportent au monde par leur musique, ce sont les clés du bonheur! Maintenant, il faut voir ce que nous ouvrons avec : la chambre nuptiale ou la chambre froide... Tout cela est lié, non aux Beatles, mais au fonctionnement du monde moderne, à la création du vedettariat, de la concurrence, de la « saine émulation », le mythe que certains hommes auraient intrinsèquement plus de valeur que d'autres (ce qui explique qu'on puisse vouloir les tuer et prendre leur place) : une idée que, justement, les Beatles ont été essayé de détruire avec des chansons comme « Nowhere Man » ou « Eleanor Rigby » ou un disque comme « Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band ».