Interview Nicolas Ullmann : l'homme cent têtes !

Et les photographes qui vous immortalisent?

Ils sont choisi par les rédactions pour les séries de mode. J'essaie de proposer les miens aussi. J'aime travailler avec Arnaud Baumann par exemple, et sa série La Chambre Blanche. Son concept, c'est de se ballader dans des lieux où il se passe quelque chose, par exemple dans des festivals de musique, d'y dresser une tente blanche, et de s'y enfermer avec les artistes avant ou après le concert. Il y a une réelle intimité entre l'artiste et le photographe, qui leur pose une question et les photographie. Dans cette chambre blanche, il a aussi photographié des gens tatoués, des acteurs au festival de Cannes, les musiciens du festival de Bourges, des gens obèses. Maintenant il y a La chambre blanche Nicolas Ullmann, il photographie mes personnages à la sortie de mes shows. En ce moment, nous travaillons sur une série Chambre Blanche sur le thème du bien et du mal: Gandhi, l'abbé Pierrre, Hitler....

Est-ce qu'il y a une limite à vos personnages?

Non, j'ai d'ailleurs un projet à mettre en place, une série de photos : l'homme aux mille visages. Avec plusieurs photographes. C'est un projet ambitieux. Un peu dans l'idée d'une autre de mes artistes préférées, Cindy Sherman. Elle a commencé toute seule, à s'autoportraiturer, en appuyant avec son pied sur le déclencheur, en se déguisant. Elle a fait une série incroyable: les gens qui prennent le bus, la dame avec son petit chien, l'étudiant.... En plus de la performance de transformiste, c'est un vrai regard social.

Comment travaillez-vous la psychologie de vos personnages?

Moi, je mets fort en avant l'aspect parodie. Ca prend du temps, il faut des moyens. Le maquillage, les costumes, c'est cher. Donc ça se fait petit à petit. Je voudrais refaire certaines séries de personnages déjà faites, dans des décors naturels. La Chambre Blanche, c'est bien, mais dans des décors naturels c'est encore plus incroyable. Un personnage célèbre, dans un décor naturel.... comme je viens de faire pour ma série pour le magasine WAD sur Mickaël Jackson, en situation, à un balcon avec un bébé par exemple. La tête des gens en bas, dans la rue, durant la séance de photos! Les gens s'affolaient, pensaient que c'était un vrai bébé... c'était une poupée évidemment! J'aime ce flou, entre la mise en scène, le spectacle, et le monde réel... on ne sait pas vraiment où est la limite entre spectacle et mise en scène, les gens perdent leurs repères habituels, se questionnent. Enfin, moi je le sais, où est la limite, mais pas forcément le regardeur, le spectateur. A l'image d'un autre artiste Alison Jackson, qui a sorti un livre de photographies chez Taschen. Lui a prit des sosies qu'il a fait poser dans des décors fantasmés, inventés... avec un cadrage photographique qui sous entend que se sont des images volées, à la manièe d'un paparazzi. C'est très troublant, on y voit des stars dans des situations extrèmement banales, Madonna en train de faire son repassage par exemple, la Reine d'Angleterre enfilant des gants Mappa jaunes pour faire sa vaisselle, Kurt Cobain en train de bouquiner aux toilettes ou Mickaël Jackson masqué en train de recouvrir le visage d'un enfant de rouge à lèvres! Il va assez loin dans la dénonciation. Moi aussi, maintenant, j'aimerais aller plus loin que la déconne pure, et explorer tout ça. J'ai par exemple fait une parodie d'Amy Winehouse, pour un spectacle. J'ai posé après, dans la Chambre Blanche. Je l'ai parodié en me mettant une seringue dans le bras... j'adore cette chanteuse, et ça m'attriste ce qui lui arrive, je respecte  énormément les artistes que j'écoute, que je parodie. Mais j'aime aussi le trash! Le mauvais goût....

Ces derniers temps, vous vous êtes donc recentré essentiellement sur votre activité de comédien?

Oui, depuis le succès des Kararockés, j'ai eu beaucoup de propositions de pub, de tournages, de séries photos dans la mode. J'en suis très heureux. Ca me rassure. En fait, ça peut paraître paradoxal, mais je suis quelqu'un de pas très sur de lui. La comédie me permet de prendre confiance en moi. Les grands comiques sont en fait de grands timides! Je suis très entouré de comédiens. Moi même, je suis issu de ce milieu, je suis comédien, je passe des castings. C'est un métier à la base peu rassurant. On vous prend, on ne vous prend pas, vous ne savez pas toujours pourquoi. Toutes ces improvisations, ces personnages multiples que je me suis inventés, ces shows, m'ont permis de prendre de l'assurance depuis mes débuts. Et puis l'aspect comique, parodique, est délibéré, j'ai voulu prendre mes distances avec le milieu théâtral de mes débuts. Je trouve les gens de ce milieu assez narcissiques en général. On ne parle que de ça! Comme si rien d'autre n'existait... Le théâtre ça peut être assez ennuyeux! J'ai eu la chance de très tôt avoir des ouvertures vers la musique, la scène mais aussi le cinéma. J'ai rencontré énormément de réalisateurs, d'acteurs, par le biais de mes fêtes. Plein de contacts, mais que je n'ai pas vraiment sû exploiter jusque là. Je fais tellement de choses en même temps...

Cette notoriété grandissante, la reconnaissance de votre tavail de transformiste, la collaboration avec tant de magasines branchés et d'artistes, a dû vous rassurer? Mais est-ce que se ne sont pas des masques tous ces personnages?  

Oui, c'est vrai. J'ai peu confiance en moi en fait, à la base. J'apprends petit à petit à prendre confiance en moi, à ne plus me cacher derrière mes personnages, et à me laisser photographier au naturel aussi, ce qui était très difficile pour moi à mes débuts. Mon agent, à l'époque, s'en arrachait les cheveux et me houspillait! Il voulait des photos classiques de moi, en costume de jeune premier, l'air ténébreux, inspiré, les bras croisés, pour envoyer aux responsables des castings, me décrocher des rôles! Je passais outre lui, et j'envoyais des photos de moi déguisé en personnages! Il me disait: « Apprend à te faire connaître en tant que toi-même d'abord! ».