Femmezine : Votre conversion à la littérature est venue assez tardivement, après une vie professionnelle riche et remplie, mais dès l'envoi de votre premier manuscrit chez un éditeur et sa publication simultanée. Est-ce que sans ce succès immédiat, vous auriez quand même tout plaqué pour vous consacrer à l'écriture?
Marc Lévy : L'écriture fut à ce moment là suffisamment importante pour que je lâche les commandes d'un cabinet d'architecture où je gagnais très bien ma vie pour m'y consacrer pleinement. Les droits de la vente de mon premier livre à Spielberg qui l'a adapté au cinéma correspondaient à peu près à deux ans de congé sans solde. Deux ans à me consacrer pleinement à l'écriture. J'ai pris mon courage à deux mains, et je me suis lancé, même si certaines bonnes âmes prédisaient alors l'échec de mon deuxième livre. Ce fut un succès. Si cela avait été un échec, j'aurais repris un autre travail, me permettant de vivre et de faire vivre mon fils. N'importe quel boulot. J'adore travailler, je n'aime pas la vacuité, non plus les réunions, les meetings, je m'y ennuie. J'ai besoin d'être dans l'action, je suis un artisan en fin de compte, c'est comme ça que je me vois. Je ne suis jamais plus heureux qu'au fond de mon atelier, à bosser!
Femmezine : La vie étant ce qu'elle est aujourd'hui, difficile, pensez-vous que l'on puisse encore écrire des livres romanesques? N'est-ce pas obsolète, dépassé?
Marc Lévy : Je pense qu'au contraire, les gens ont d'autant plus besoin de rêver. Je ne suis pas persuadé du reste que le vie soit plus difficile qu'au temps de Zola ou de Balzac. Par ailleurs, on est la première génération d'écrivains à vivre dans un monde ou l'information circule plus vite que nous. Il n'y a plus de différé. On n'écrit plus une lettre en se demandant si la personne va la recevoir et quand. On écrit un mail que l'autre reçoit dans la seconde, et dans la seconde qui suit on reçoit un accusé de réception confirmant la lecture instantanée. Ce n'est pas à mon avis sans rapport avec le fait d'écrire, le travail de l'écrivain, du romancier, la perception que l'on en a.
Femmezine : Pensez-vous que l'évasion, les aventures, les grandes fresques, le dépaysement, les voyages dans lesquels vous emmenez vos lecteurs expliquent votre succès?
Marc Lévy : Oui, c'est ce que mes lecteurs m'écrivent en tout cas. Il y a pourtant beaucoup d'à priori qui circulent aujourd'hui sur le roman. Par exemple, on parle pour certains romanciers d'une écriture cinématographique. Alors qu'une écriture cinématographique, c'est l'écriture opposée, c'est un scénario et qui a lu un jour un scénario sait que cela n'a rien à voir avec un roman. Le roman, c'est une écriture imagée, pas cinématographique. Le métier de base du romancier, c'est de fabriquer des images avec des mots. Du reste, on ne reproche pas à Dumas, Zola, Balzac, d'avoir des écritures extrêmement visuelles, avant même l'avènement du cinéma du reste. "Au bonheur des dames" par exemple, c'est un film! Ce n'est que l'extrême importance que l'on a accordé au nouveau roman en France qui a fait que l'on a complètement oublié que c'était ça la fonction d'un romancier. Pendant que les français s'enfermaient dans le nouveau roman, la littérature anglo-saxone a continué à produire des histoires, des grands récits. Je suis en plein là-dedans, dans cette tradition, mais je ne suis pas le seul. Pour moi, c'est absolument vital.
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