Est-ce que l'on peut parler de vocation ?
Dans le livre, on en parle Philippe et moi de cette question, et nous sommes d'accord sur le fait que l'on ne puisse pas parler de vocation. Je cite Louis Jouvet du reste qui avait répondu à une jeune comédienne qui lui disait avoir la vocation « Mademoiselle, vous verrez, quand vous aurez essuyé des échecs, des peines, que vous aurez eu des succès, des craintes, des inquiétudes, des peurs, que vous serez arrivée à un certain âge et que vous aurez continué, là vous pourrez dire « j'ai la vocation », mais a 17 ou 18 ans, c'est quoi la vocation ? ».
Il y a des jeunes qui veulent faire comédien et qui me disent : « qu'est-ce que je dois faire? ». Cette idée de vocation, ce serait leur répondre « va au 30, tu frappes à la porte, et tu dis voilà je voudrais un grand rôle ! ». Non, moi je réponds « et bien va jouer Corneille, Racine, et tu m'en diras des nouvelles ». On veut toujours entretenir le public dans le fait qu'on aurait été dans son berceau et qu'il y aurait eu une fée qui aurait tapé et dit « ben toi, t'as la vocation, tu seras comédien ». Moi, je pourrais vous dire que je me mettais devant la télé, et que je voulais que mes parents applaudissent et me regardent. Bon c'est vrai, mais en même temps, il y a sans doute plein de gens qui faisaient ça et qui sont ébénistes aujourd'hui !
Oui, mais la vocation c'est surtout être capable d'emprunter un chemin difficile, scabreux, et ne pas renoncer. Devenir acteur, être acteur, cela ne demande-t-il pas une certaine volonté, voire une volonté certaine ?
Godard me disait « soyons pessimistes en idées, optimistes en action ». Ca m'aide beaucoup. Il faut voir les choses telles qu'elles sont, et continuer. Parfois aller contre elles, contre ce que l'on voit, mais voir ! Quitte à passer pour un pessimiste. C'est la seule manière de pouvoir agir. Nier, ou dire que tout va bien, ça n'amène à rien.
Il se dit que vous avez un caractère fort, ce qui vous aurez amené à être renvoyé de la Comédie Française...
Pour certaines personnes, avoir un caractère fort, c'est avoir un caractère, être singulier. J'aimais bien la Comédie Française. J'aimerai toujours cette maison. Si je n'avais pas été mis à la porte, j'y serais peut-être encore. Pendant longtemps, je ne pouvais passer près de cette rue, j'ai envoyé un copain pour aller vider ma loge parce que je n'ai pas pu... C'est une très belle maison.
Est-ce que ce n'est pas ça qui nourrit, construit un homme, les peines, les moments difficiles ?
Tout construit. Mais, c'est trop dit ça et je me méfie de ce qui est trop dit.
Dans l'absolu, avec qui est-ce que vous aimeriez tourner ? Quelles seraient vos envies ?
J'ai plein d'envies. Il y a plein de gens avec qui j'aimerais travailler, des vivants, et puis aussi je réveillerais bien quelques morts...
- Philippe Noiret, conversations avec Bruno Putzulu, « Je me suis régalé », paru aux Editions Flammarion, disponible sur www.fnac.com
- Programme des lectures-dédicaces sur le site officiel de Bruno Putzulu : www.brunoputzulu.fr
- « Trésor », un film de Claude Berri et François Dupeyron, sorti en salles le 11 novembre 2009.
- Johnny Hallyday, « Le cœur d'un homme », album disponible sur www.fnac.com
- Allain Leprest, « Chez Leprest », volume 2, album disponible sur www.fnac.com
- Répondre
Permalien