Aller au contact des lecteurs à travers les salons littéraires, est-ce une peur ou un plaisir?
C'est un vrai plaisir. Pour le coup, ça donne une forme de réalité au livre. Au début, j'allais dans les librairies vérifier que mon livre y était, avec mon nom dessus. Maintenant, je m'évite ça. Mais bon, pour vous dire à quel point je ne suis pas simple avec moi-même, quand je ne vois pas mon livre dans une librairie, c'est terriblement blessant, j'ai l'impression de ne pas exister. Si je vois qu'il y est, je suis content, je me dis « c'est formidable ». Mais je me dis aussi : « mon Dieu, mais pourvu qu'ils en vendent au moins un! ». Quand j'en vois 10, dans la devanture de la librairie en bas de chez moi par exemple, j'ai envie d'en acheter cinq, pour que la pile rétrécisse! Alors, autant ne plus y aller... autant s'épargner ça.
Avez-vous appris à être plus conciliant avec vous-même, à ne plus vous infliger ça?
Non. Ce n'est pas une question de conciliance. Je pense que je me sens plus fragile, alors autant m'épargner ça. Même si d'année en année, à travers mes lecteurs, ça s'incarne tout ça, finalement. Notamment à travers les petits mots que je reçois. C'est encourageant.
Vous pensez être plus fragile qu'il y a dix ans, alors que vous avez publié tellement de livres depuis?
Oui. J'ai ce sentiment là.
Longtemps, il y eut peu de grandes figures féminines dans vos livres. Pourquoi?
Elles n'étaient pas prioritaires, prédominantes. Par pudeur, mettre une femme en jeu ça impliquait que j'ai un rapport avec elle, en tant qu'auteur. Ma pudeur m'en empêchait, je voulais que ça reste secrêt. Je ne me suis pas complètement désinhibé quant à mes personnages féminins. La question, que je me pose aussi, aujourd'hui, c'est de savoir si je souhaite écrire sur un personnage féminin, ou écrire en étant dans la peau d'un personnage féminin. C'est une dimension différente. Cette question de mon rapport aux femmes, à l'amour finalement, mes rapports avec les femmes, avec une femme, cela m'a tellement préoccupé dans la vie, que j'ai cherché à écrire pour en sortir, m'en dégager. Au début en tout cas.
A un moment, vous avez donc été capable de réintégrer cette dimension dans l'écriture?
Oui, parce que ça m'a permis d'être au contact avec, pour le coup, une émotion réelle. J'ai écris un recueil de nouvelles « Combien de fois je t'aime » (Flammarion, 2008) sur ça, une manière de dire que dans la vie on n'en finit jamais d'aimer. C'est nouveau ça, de considérer que l'on peut vivre plusieurs vies finalement. Il ya 50 ans en arrière, même moins, on avait sa vie et puis une vie parallèle. Et ça a donné des romans merveilleux. Aujourd'hui, on peut vivre sa vie en considérant que l'on a plusieurs vies, l'espérance de vie s'allonge, il y a une plus grande liberté vis à vis de sa sensualité, sa sexualité, ses émotions. Ces nouvelles ont reçues un certain écho, sous cet angle là. Beaucoup de mes lecteurs se sont retrouvés dans certaines de ces histoires. Ce livre, c'est l'histoire d'un homme qui a eu plusieurs vies. Tout est fait aujourd'hui pour que l'on se rencontre plus facilement. Le minitel il y a 20 ans, Internet aujourd'hui, cette dimension d'aller vers l'autre, se rencontrer, est celle qui mobilise le plus les gens, l'être humain. J'avais envie d'écrire là-dessus: se rencontrer par internet. Qu'est ce que ça veut dire que rencontrer quelqu'un, lui écrire pendant plusieurs jours, semaines et le voir à un moment pour de vrai? Alors qu'avant on faisait l'inverse. Tout a été réinventé, il y a là comme une forme d'amour moderne. De nouveaux schémas amoureux. La nouvelle en question, parle d'un homme et d'une femme qui s'écrivent par mails, pour des raisons administratives, dans un cadre professionnel, d'un siège social à une succursale. Un jour, l'homme glisse à la fin d'un mail « je vous embrasse », comme on peut le faire, alors qu'ils ne se sont jamais vus. Les mots font qu'à un moment une relation autre s'amorce, se profile, presque malgré eux. Ils se confient, se disent des choses d'eux-mêmes, deviennent confidents presque malgré eux, sans s'être jamais vu.
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