Portraits

Patrick Eudeline, l'homme plein de qualités

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patrick eudeline

Interview, pour parler de son dernier roman "Rue des Martyrs" chez Grasset.

Caché derrière ses inséparables lunettes noires et son nuage de fumée de cigarette, Patrick Eudeline, fondateur dans les années 70 de feu "Asphalte Jungle", un groupe français de musique punk,  devenu rock critic sous l'impulsion d'Yves Adrien et de Jean-Jacques Schuhl, collaborateur régulier d'Actuel, Libération, Nova, Best et Rock & Folk, auteur d'ouvrages musicaux et de romans tel "l'Aventure punk"(1977) et "Dansons sous les bombes"(2002), acteur dans" Baise-moi"(2000) de Virginie Despentes et dans le film "Tel père telle fille" d'Olivier de Plas (2007), nous reçoit en toute simplicité chez lui, pour parler de son dernier roman "Rue des Martyrs"(Grasset), mais aussi de littérature et d'écriture, de musique, des filles rockeuses, de la vie, de la mort, d'un avenir qu'il ne voit pas tout à fait en rose. Ce qui ne l'empêche pas de nourrir une foultitude de projets et d'envies, et de "lutter avec ses petits moyens contre la décadence ambiante".

Femmezine : Quelle est votre actualité?

Je viens de sortir un roman,"Rue des Martyrs", chez Grasset. Ca c'est bien passé, et il y a des projets en cours autour du livre, je ne peux pas encore vous en parler! Mais c'est la première fois que je n'avais pas envie d'abandonner mes personnages...  que je n'arrive pas à me sortir d'un bouquin. Que j'ai envie de faire d'autres choses autour du livre, bd, adaptation pour un film.... On verra. L'histoire se passe sur 40 ans, je remonte jusqu'en 1966, j'ai donc refait tout un travail de recherche, de remémoration de cette époque, car je suis très attaché à la précision. J'ai eu du mal à m'arracher à l'écriture de ce livre, là où, pour les autres, je n'avais aucun problème à les livrer à mon éditeur après avoir apposé le mot fin! Pour celui-ci, ça a été un vrai plaisir le travail de correction, de relecture, car j'étais encore plongé dans cette atmosphère. C'est  aussi la première fois que j'ai envie d'utiliser un deuxième personnage, en l'occurence le meilleur ami du personnage principal, du héros, pour en faire un personnage récurrent, développer autrement son histoire à lui. Je pensais avoir fait trop d'ellipses dans ma construction narrative. Cela parle de 40 ans de la vie de 3 personnages.  On peut en faire un Balzac... mais bon. J'ai dû faire des choix,  le bouquin est copieux, mais j'ai envie de faire des retours, des séquelles. Je n'ai pas envie de le lâcher, ce livre là.

Est-ce que ça à voir avec le fait que vous y ayiez mis beaucoup de vous, de votre vécu?

Je crois que dans tout ce que je fais, même inconsciemment, je mets de moi. Je n'aime pas l'imposture. Donc, dans ma démarche, et tout ce que j'écris, il y a forcément des choses personnelles. Mais évidemment pas seulement. En l'occurence, pour "Rue des martyrs", j'ai au départ, dans la première version, volontairement zappé l'année 77, le punk-rock. Je me suis dit que tout le monde m'attendait au tournant, pensait que j'allais en faire des tartines dessus, que j'allais raconter ma vie. Donc, mon intention première était de ne pas en parler. Et puis j'ai réfléchi. J'ai trouvé ça idiot, de m'autocensurer D'autant que l'un  des fils conducteurs du roman est un chanteur disparu, un de mes amis, Alain Kan. J'avais envie de raconter des anecdotes de ce que j'ai vécu avec lui. Il y avait un jeu de miroir assez drôle entre Alain, moi dans la vraie vie, le héros du roman... alors j'ai quand même mis une scène inspirée directement de ce que nous avons vécu ensemble, lui et moi. La fiction, c'est toujours compliqué. Flaubert aurait dit "Madame Bovary c'est moi!". On ne sait pas s'il l'a vraiment dit, mais bon, on parle de soi dans un roman. Je ne vais pas écrire un livre sur la vie d'un agriculteur au fin fond de la campagne, je n'y connais rien...

Quelle est la différence entre écrire un roman et une chanson?

La technique. Le fond est le même, on fait passer de l'émotion mais les techniques sont différentes. Pour moi, le plus difficile, et ambitieux, c'est écrire une chanson. C'est 3 minutes, avec des contraintes de construction, de rime interne, d'exigence narrative. Je fais ça à l'ancienne, intro, couplet, refrain, pont. La contrainte, c'est la concision, on est obligé de massacrer la moitié des meilleures idées parce que ça ne rentre pas dans le nombre de pieds, dans la rime. J'ai beaucoup d'admiration pour plein d'écrivains, mais, les gens qui arrivent à écrire des grandes chansons, surtout en français, c'est très fort! Gainsbourg par exemple.